Poésies

 

 

Les manières du soleil 

Le soleil luit pour tout le monde

Mais un peu plus ou un peu moins

Il en est que son chaud inonde

D' autres ne le voient que de loin

 

Il luit plus pour le cormoran

que pour la taupe ou le cafard

Il luit bien plus à Perpignan

Qu'à Lille ou à hénim-Liénard

 

Le soleil luit pour tout le monde 

mais plutôt plus ou plutôt moins

 

Claude Roy

 

 

 

 

Je passais mes vacances 

Je passais mes vacances

Devant un rosier blanc

Rose au coeur de la France

Rosier au coeur tremblant

 

Une abeille s'y pose

Les mesanges aussi

Rose au coeur de la rose

Fleur des jours sans souci

 

Et puis la nuit s' ypose

-Les étoile aussi -

Noire au coeur de la rose

Et l'autre y pleure aussi

 

Je passais mes vacances

Devant un rosier blanc

Dans un pays de France

Dont je rêve souvent

Maurice Fombeure

 

 

 

DANS LE REGARD D' UN ENFANT

 

 J'ai vu des continents

Des îles lointaines

De fabuleux océans

Des rives incertaines

Dans le regard d'un enfant.

 

J'ai vu des châteaux

Des jardins à la française

Des bois des coteaux

De blancs rochers sous la falaise

Dans le regard d'un enfant.

 

J'ai vu les Champs-Elysées

L'Arc de Triomphe, la Tour Eiffel

Le Louvre et la Seine irisée

Comme un arc-en-ciel

Dans le regard d'un enfant.

 

Claude Haller

 

Fantaisie d'Hiver

 

Le nez rouge, la face blême,

Sur un pupitre de glaçons,

L'hiver exécute son thème

Dans le quatuor des saisons.

 

Je chante d'une voix peu sûre

Des airs vieillots et chevrotants ;

Son pied glaçé bat la mesure

Et la semelle en même temps

 

Et comme Handel, dont la perruque

Perdait sa farine en tremblant,

Il fait envoler de sa nuque

La neige qui le poudre à blanc.

 

Théophile Gautier

 

 L'hiver et l'été

 

Hiver,vous n'êtes qu'un vilain,

Eté est plaisant et gentil,

En témoin de Mai et d'Avril

Qui l'accompagnent soir et matin.

 

Eté revêt champs, bois et fleurs,

De sa livrée de verdure

Et de maintes autres couleurs,

Par l'ordonnance de dame Nature.

 

Mais vous, Hiver, êtes trop plein

De neige, vent, pluie et grésil;

On vous dût bannir en exil

Sans vous flatter, je parle plain,

Hiver, vous n'êtes qu'un vilain.

 

Charles d'Orléans

 

L' heure du crime

 

 Minuit. Voici l' heure du crime

Sortant d' une chambre voisine,

Un homme surgit dans le noir

Il ôte ses souliers,

S' approche de l' armoire

Sur la pointe des pieds

Et saisit un couteau

Dont l' acier luit , bien aiguisé.

Puis , masquant ses yeux de fouine

Avec un pan de son manteau ,

Il pénètre dans la cuisine

Et d' un seul coup , comme un bourreau

Avant que ne crie la victime

Ouvre le coeur d' un artichaut.

  

Maurice Carême

 

 

Renouveau

 

Du mois d 'avril au mois de mai

La terre se fait plus gentille

Un joli temps de jeune fille ,

Tire l 'aiguille,prend le dé .

 

Parfois un bel arc irisé

Pavoise l' averse qui brille .

Du mois d'avril au mois de mai

La terre se fait plus gentille

 

La violette est dans le pré ;

Dans la clairière , la jonquille

Sous l'arbre en espoir de famille

On entend le merle chanter

Du mois d 'avril au mois de mai .

 

Pierre Menanteau

 

 

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